Le rôle de chacun, famille, amis, dans les troubles des comportements alimentaires
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Le rôle de chacun

1 – Les parents : sortir du jeu        

Les parents sont évidemment en première ligne à tous points de vue : comme responsables (voire coupables) tout désignés de la maladie ; comme soutiens ultimes quand la maladie isole ; comme soignants quand le malade ne veut pas se faire soigner ; comme victimes lorsque la maladie de leur enfant les fait souffrir et dérègle leur vie…

Pour eux, il est essentiel de ne pas :

  • se substituer aux soignants. Si le malade a ses parents pour tout, pourquoi ferait-il l’effort de se soigner ? Surtout pour changer ! Il n’a aucun intérêt à sortir de l’assistanat, même si il lui coûte
  • oublier l’entourage, en se réduisant à n’être que le parent de cet enfant là
  • s’oublier en tant qu’adulte en ne vivant plus qu’à travers la maladie de l’enfant
  • oublier qu’il s’agit d’une maladie aux causes multiples, y compris congénitales, et de s’en imaginer être la cause unique ou principale.

Souvent, un enfant malade suscite chez l’un ou l’autre des parents le sentiment d’être indispensable. Sentiment légitime, et pourtant à double tranchant. Car le destin de toutes les espèces est l’accès à l’autonomie à l’âge adulte, sous peine de périr.

C’est bien l’enjeu des TCA les plus graves : rester enfant ou mourir. Et a minima l’enjeu de toutes les maladies du comportement alimentaire : maîtriser sa vie ou se laisser emporter par l’angoisse.

Pour les parents, le seul devoir est d’essayer de comprendre et d’être présent, sans fuir ni envahir l’espace. Au-delà, penser qu’en se consacrant entièrement (en se sacrifiant) à lui, on va le guérir, ce serait croire qu’on peut vivre à la place de son enfant. C’est-à-dire le maintenir dans sa difficulté à vivre.

2 – La fratrie : faire avec les rivalités

Un enfant malade (r)éveille toujours les rivalités des frères et sœurs, puisque les parents s’en occupent matériellement davantage. Par ailleurs, dans le cas des TCA, la fratrie est impliquée au quotidien lorsqu’elle vit avec le malade, ou ponctuellement à l’occasion des repas de famille ou de vacances, mais de toute façon il lui est difficile d’ « oublier » la maladie.

Les réactions oscillent alors entre agressivité (le plus souvent), éloignement par inquiétude ou par lassitude (au bout de quelques mois ou années), et sollicitude voire prise en charge (beaucoup plus rare).

La maladie impacte les relations du malade avec ses frères et sœurs, le rapprochant de certains, l’éloignant d’autres. Vis-à-vis des plus jeunes, il peut y avoir un rapprochement, teinté d’une grande culpabilité à montrer le « mauvais exemple ». La motivation à guérir peut d’ailleurs trouver là une source efficace, car c’est précisément la difficulté spécifique à grandir qui est mise en cause. Le malade peut être poussé à surmonter cette difficulté par le besoin de se montrer protecteur vis-à-vis du plus jeune. Mais ça n’est pas toujours le cas, notamment si le plus jeune se protège de la maladie de son aîné en s’en tenant très à distance.

Plus la maladie dure, plus elle met à l’épreuve les capacités de tolérance des frères et sœurs. Tout dépend aussi de la place que les parents accordent à la maladie. Il est important de rappeler qu’en protégeant la fratrie, on a davantage de chances de préserver les liens entre le malade et elle, qu’en la négligeant par excès de zèle auprès du malade. Les frères et sœurs peuvent alors faire bloc contre leur frère ou sœur malade, l’isolant davantage et accentuant encore, par ricochet, la surprotection parentale à son égard.

Il arrive parfois aussi que, dans une fratrie, une sœur ou un frère s’attache particulièrement à aider le malade. L’enjeu est alors, comme pour les parents, de ne pas se laisser vampiriser, ou de ne pas « utiliser » cette maladie et l’intérêt qu’on y porte, comme écran à ses propres difficultés à faire sa vie.

Là encore, il faut pouvoir garder une juste distance.

3 – La famille élargie : ne pas s’en mêler

Cet enjeu de distance est également vrai pour la famille au sens large. Car si, déjà, le trouble du comportement alimentaire est difficile à comprendre pour les proches, il est très généralement complètement incompréhensible pour ceux qui ne vivent pas au quotidien avec la personne malade.

Réduire le TCA à un problème de gourmandise, d’hormones, ou d’éducation peut provoquer des brouilles d’autant plus tenaces qu’elles reposent sur un vif sentiment de culpabilité pour les parents.

L’essentiel est alors de ne pas juger, comme lorsqu’un couple se déchire. De ne pas prendre parti, ce qui est évidemment difficile. La seule chose positive à proposer est d’être là pour écouter si besoin, ou pour aider trouver de l’information ou des soignants.

4 – Les conjoints : la tentation de la béquille

L’adage « on ne fait pas le bonheur des gens malgré eux » est parfaitement adapté aux conjoints de personnes atteintes de troubles du comportement alimentaire. La tentation de jouer le rôle du sauveur, de celui qui guérira l’autre, ou qui du moins sera toujours là, ne l’abandonnera jamais est omniprésente. D’autant que le/la malade sollicite ce comportement.

C’est pourtant précisément ce qui fera la perte du couple, car, comme pour les parents, et plus vivement encore, être aimée malade insupporte la malade.

5 – Les amis : tenir

Le processus d’isolement a naturellement pour effet d’écarter ou de décourager progressivement les amis. Pourtant, les malades souffrant de TCA en ont un besoin crucial. Si les invitations à dîner sont généralement vouées à l’échec, mensonges à l’appui par honte de ne pas pouvoir accepter, il ne faut pas pour autant en conclure que le malade n’a plus envie de voir ses amis. Il souffre au contraire de son isolement, et toute proposition (évitant l’alimentation) sera reçue comme un soutien précieux. Car le désespoir est parfois profond, et le sentiment de faire toujours partie, malgré tout, d’un groupe, d’une communauté autre que parentale donnera a minima l’impression au malade qu’il n’est pas voué à l’enfermement familial pour survivre.

Là encore, ce qui est valable pour la famille est valable pour les amis : garder une juste distance, être à l’écoute, ne pas chercher à « raisonner » ni à soigner, mais proposer éventuellement des adresses de médecins, ou de thérapeutes. Ni plus, ni moins.