Troubles alimentaires intergénérationnels - troublesalimentaires.net
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Troubles alimentaires intergénérationnels

L’écoute des patients met à jour une évidence : les troubles du comportement alimentaire tiennent, pour une bonne part, à une transmission intergénérationnelle.

C’est-à-dire ?

La façon dont un adulte nourrit un enfant dit son propre rapport avec l’alimentation.

Sans être forcément anorexique, une mère très vigilante à son poids éduque son enfant – spécifiquement sa fille, souvent – à une alimentation saine, équilibrée. Inversement, une mère boulimique peut projeter ses angoisses de manquer sur son enfant.

Je me souviens d’une patiente d’une trentaine d’années, souffrant d’obésité sévère, racontant ses difficultés avec son nourrisson. Elle ne pouvait s’empêcher de le gaver, son mari le lui reprochait, elle reconnaissait qu’il avait raison, le couple se disputait, mais c’était plus fort qu’elle. Les détails qu’elle donnait étaient à la limite du supportable, récit d’un viol quotidien, d’une intrusion permanente, dont l’enfant jouissait tout en le subissant. Cette femme avait conscience de sa pathologie, souffrait d’être une mère abusive mais l’enfant était son prolongement, sa bouche la sienne, son plaisir le sien.

On sait malheureusement les conséquences de l’incapacité maternelle à différencier son enfant de soi (troubles de la personnalité et du comportement notamment), mais sans aller jusqu’à des cas aussi extrêmes, il faut dire l’impact de la « figure d’attachement » (la personne qui s’occupe au quotidien des soins de l’enfant) sur ce qu’on peut appeler tout simplement la manière d’être de l’enfant.

Cire vierge, éponge… les expressions sont nombreuses pour illustrer cet impact. La figure d’attachement serait comme un condensé de l’environnement de l’enfant, qui va des traditions familiales (heures à laquelle on mange, variété, qualité et quantité de ce qu’on mange, convivialité des repas, gourmandise ou pas…) jusqu’aux gestes mécaniques, que l’enfant absorbe aussi inconsciemment qu’ils sont effectués (manière de se tenir à table, par exemple), en passant par les injonctions éducatives (aide à débarrasser, vide le lave-vaisselle, etc).

Cette figure d’attachement a donc le premier rôle, et les responsabilités qui vont avec. Elle-même porte la marque de sa propre figure d’attachement. Ainsi se perpétuent des familles d’anxieux, de dépressifs… ou de gens plutôt heureux.

Il ne s’agit pas d’être parfait, surtout pas. La perfection appelle la transgression, d’où de nombreux conflits. Il s’agit de faire au mieux. La mère « good enough » (suffisamment bonne) de Winnicott est éternellement d’actualité.