1 – L’engrenage du bénéfice secondaire
Le trouble du comportement alimentaire, parce qu’il touche le quotidien, a toujours d’importantes répercussions sur l’équilibre de la cellule relationnelle qui entoure le malade.
L’entourage, une fois qu’il aura pris conscience du problème, va généralement réagir avec inquiétude, puis, à mesure qu’il constatera l’ampleur de son impuissance, avec agressivité et/ou excès de sollicitude. Autant de réactions quasi automatiques, qui entretiennent la maladie en s’imbriquant dans son fonctionnement.
L’enchaînement est le suivant :
2 – Les repères à se fixer
Garder son calme est essentiel face au danger ; c’est la même chose face à la maladie TCA. C’est même encore plus vrai dans ce cas, car ces malades vivent le plus souvent excessivement dans le regard des autres.
Il faut se rappeler que le trouble du comportement alimentaire est une maladie : or manifester son inquiétude à un proche malade n’a jamais été d’aucun secours.
Ne pas paniquer, mais ne pas « lâcher le morceau »
Traiter en victime ou excuser un malade lui est non seulement néfaste, mais c’est aussi le plus sûr moyen de s’en faire, à terme, rejeter. Un malade attend qu’on l’aide, pas qu’on le traite en enfant. Dans les TCA, l’immaturité affective des patients a tendance à faire croire qu’ils trouvent là encore leur compte dans le maternage, qui serait un bénéfice secondaire. Mais tôt ou tard, ils prennent conscience qu’une telle attitude les maintient dans leur impossibilité de grandir, les empêchent d’être acteurs de leur guérison, et ils se mettent alors à focaliser leur ressentiment sur celui ou celle qui en est responsable.
La boucle est ainsi bouclée, et comme dans toute relation trop fusionnelle, l’amour fait un jour place à la haine.
A l’inverse, traiter par l’indifférence le trouble ne résout rien. On peut comparer cette attitude à une non-assistance à personne en danger. Etre présent auprès d’un malade reste essentiel.
Traiter en malade, pas en irresponsable.
Pour pouvoir aider sans pour autant assister, il faut d’abord reconnaître la maladie.
C’est l’étape la plus difficile, mais aussi, peut-être la seule indispensable sur le chemin de la guérison. Sinon, on risque une indifférence « malgré soi ». La difficulté, pour les proches, à reconnaître la maladie donne la mesure de la difficulté à faire la part, dans un trouble du comportement alimentaire entre ce qui relèverait d’une certaine originalité, voire « bizarrerie » et ce qui signe une véritable souffrance, dont la gravité mérite qu’on la traite.
Même une fois la maladie reconnue, il est tentant de fermer les yeux sur des vomissements par exemple, tant que le malade semble globalement aller bien. On serait alors dans une forme de complicité, non seulement délétère pour la santé du sujet (ignorer une maladie ne l’a jamais guérie), mais encore tout à fait dangereuse quant au risque d’aggravation du trouble.
Ni désinvolte ni complice.
L’inquiétude pousse parfois les proches à distordre leur quotidien pour tenter d’aider le malade. Acheter des quantités anormales de nourriture pour une boulimique, ou certains produits spécifiques pour une anorexique, caler ses horaires de repas sur ceux de la malade, lui préparer des plateaux à part, etc. Tous ces comportements peuvent se comparer à ceux des proches qui vont eux-mêmes chercher et payer sa drogue à « leur » drogué, qui n’arrive plus à se fournir. Comme dans le cas du maternage, ce type de complaisance, si elle part d’un sentiment très légitime d’accomplir un acte d’amour, entraine en fait le proche non-malade dans la maladie du malade. Or, un médecin qui deviendrait lui-même malade soignerait-il mieux ses malades ? Certes non.
En revanche, il faut écouter attentivement les anciens malades, ceux qui s’en sont sortis, pour comprendre ce qui les a aidés. C’est dans cet esprit que se sont constitués les groupes d’Alcooliques Anonymes, à partir desquels tant de groupes de parole se sont développés. Car un malade guéri est un malade qui sait ce qui l’a guéri. Et il va s’efforcer de le faire partager à ceux qui ne sont pas encore guéris.
Que disent les patients ex-TCA ?
L’objectif premier que pourrait se fixer tout proche d’un malade TCA serait de l’aider à grandir. C’est-à-dire à être un individu à part entière, responsable de sa vie, et assumant les conséquences de ses comportements.
Etre adulte pour aider à grandir.