Comme toute maladie, le trouble des comportements alimentaires se développe selon un processus spécifique, à la faveur de certains événements ou facteurs déclenchants.
1 – L’anorexie commence toujours, un jour, par un régime. La réflexion d’un proche, le sentiment de se trouver trop gros(se)s… Les futurs malades entament un régime, et maigrissent rapidement. Grisés par leur capacité de contrôle, l’amaigrissement agit comme une drogue, et la restriction ne peut plus s’arrêter.
2 – Certain(e)s anorexiques craquent pourtant, et deviennent boulimiques. C’est un phénomène bien connu de ceux qui font le yoyo : affamé, on se jette ensuite sur la nourriture. Sauf qu’en l’occurrence, regrossir relève de la phobie, et le moyen le plus sûr pour concilier ses désirs contradictoires est alors … de vomir, ou d’abuser des laxatifs. Cette solution apparaît d’abord comme idéale, puisqu’elle permet de rester mince sans se priver de rien.
3 – Mais rapidement la machine s’emballe. L’interdit transgressé, il n’y a plus de limite à la jouissance. Le sentiment d’impunité sans fin achève d’enclencher un processus addictif. Le sujet est drogué à la boulimie, qui lui procure un plaisir sans contre partie négative. Du moins apparemment – tout comme la « vraie » drogue. Le processus addictif est en tout cas toujours le même : envie irrépressible, assouvissement procurant un soulagement intense, puis abattement, culpabilité et mal-être, réactivant l’envie, etc.
4 – Les effets secondaires ne tardent pas à se faire sentir : fatigue, voire épuisement, envahissement par le besoin de jouissance qui organise la vie quotidienne, coût financier, et bien sûr effets physiologiques qui peuvent être gravissimes.
5 – L’hyperphagie boulimique peut être un passage par lequel est éventuellement passé l’anorexique, mais plus généralement, c’est un trouble spécifique, aux mécanismes psycho-affectifs un peu différents. De survenue plus insidieuse que l’anorexie, qui se déclenche souvent brutalement, l’hyperphagie boulimique est une forme de suralimentation particulière.
Il faut être très prudent dans ce domaine, car si on constate certaines grandes tendances, chaque cas est singulier et il est parfois très difficile, voire inutile, voire contreproductif de se focaliser sur les causes de déclenchement de la maladie.
Celle-ci prend avant tout sa source dans une personnalité singulière :
1 – La puberté, l’adolescence
Parce que les TCA se déclarent le plus souvent à l’adolescence, et plus spécifiquement dans le sillage de la puberté, il faut porter une attention particulière à l’impact de ce processus biologique sur l’image du corps, et donc sur la norme esthétique que chacun se forge. Certes, certaines images de mode peuvent brouiller plus ou moins fortement les repères des adolescentes en matière de minceur (au-delà du 36, je suis grosse). Mais l’expérience clinique montre tous les jours que les repères internes seront d’autant plus perturbés par les images extérieures qu’ils auront été fragiles au départ.
A l’adolescence, on peut assister à un engrenage morbide :
2 – Un événement de vie désorganisant.
Par exemple :
La plupart des patients atteints de TCA sont des personnalités qui du mal à vivre avec l’incertitude et le changement inhérents à la vie (d’où leur vulnérabilité à la puberté). C’est pourquoi des événements qui bouleversent trop leur environnement peuvent contribuer à déclencher la maladie, qui se porte sur le corps parce que le mal-être ne peut se dire autrement.
3 – Des abus sexuels ou de la violence psychologique ou physique.
Souvent constatés chez les malades atteints de TCA, ces traumatismes sont à l’origine de nombreuses pathologies psychiques, et ne sont donc malheureusement pas spécifiques aux TCA.
Leurs conséquences sont le plus souvent un manque d’estime de soi qui entame tous les secteurs de la vie, et une difficulté, voire une impossibilité à trouver dans la relation à l’autre autre chose qu’une répétition de l’expérience passée, c’est-à-dire de la souffrance.
Des phénomènes d’addiction se retrouvent souvent, l’objet inanimé (alcool, drogue, jeux, ou nourriture…) apportant un réconfort que l’on pense pouvoir maîtriser, contrairement aux relations interpersonnelles.
Plus spécifiquement, les TCA, parce qu’ils relèvent d’une problématique orale, peuvent révéler des carences affectives d’ordre très primaires, c’est-à-dire portant sur les bases même de la constitution de l’individu dans ses toutes premières expériences du monde qui l’entoure.
Il ne faut surtout pas en déduire qu’un TCA implique nécessairement une carence de ce type, ni que tous les abus, négligences ou violences subis impliquent des TCA. Là entre en jeu la notion de « résilience », c’est-à-dire la capacité à surmonter les traumatismes de l’enfance, propre à chacun.